Nous l’avons déjà signalé, la famille Mertens et la famille Wilmaers entretiennent des liens étroits. Comme nous l’avons dit, les Mertens de Wilmars ont eu le droit d’ajouter ce nom au leur et de relever partiellement les armes des Wilmaers.
D’où vient le lien ?
Le lien n’est pas un lien agnatique (un lien issu de source masculine) comme souvent en généalogie, mais il vient par la femme de Henri Mertens (1851-1920), Marie-Josèphe Erix (1851-1926). Son grand-père, François Erix, avait épousé Jeanne Marie Françoise de Winter; elle même fille de Adrien de Winter et de Anne-Thérèse Wilmaers dont les ancêtres remontent à une famille patricienne d’Antwerpen.
Famille patricienne d’Anvers
Anvers des origines
Au XIIIème siècle, Anvers, capitale d’une Marche du Saint-Empire, prend de l’importance notamment grâce à son commerce florissant. Durant ce siècle, les différents ducs de Brabant, seigneurs d’Anvers, vont garantir des libertés de plus en plus grandes à la commune d’Anvers pour les divers services rendus, notamment lors de la conquête du Limbourg. Une des chartes importante est délivrée par le Duc Jean Ier en 1290. Cette charte offre d’importantes libertés de gestion aux anversois, connue sous le nom de Loi d’Anvers, Core van Antwerpen ou encore oud Keurboek.
Ces chartes ne font que mettre par écrit un certain nombre de coutumes connues depuis la période normande, mais, au passage, précisons-en la modernité. Nous y trouvons l’habeas corpus de la loi anglaise, l’inviolabilité du domicile, la garantie d’être jugé par ses juges, le contrôle de l’emploi des finances de la ville, le droit de n’obéir qu’à ces magistrats et surtout cette petite phrase importante entre toutes: “Dans la ville et franchise d’Anvers tous les hommes sont libres, et il n’y a point d’esclaves.” Le séjour dans la ville affranchissait de la servitude et donnait les droit de bourgeoisie (contre un serment ainsi que le paiement d’une petite somme d’argent auprès des échevins de la ville). Même les femmes anversoises qui se mariaient avec des étrangers gardaient leur droit de bourgeoisie.
Même inscrits dans le système féodal (marquisat d’Anvers), la ville et ses habitants n’étaient soumis qu’à peu d’obligations féodales habituelles (même pour les bourgeois d’Anvers qui possédaient des fiefs en dehors de la ville dans le Duché de Brabant). Bien sûr, ils devaient venir en aide à leur seigneur mais c’est la commune (plus tard les guildes) qui levaient “librement” des troupes auprès des bourgeois et ceux-ci se battaient sous la bannière de leur ville.
Donc, au XIIIème siècle, Anvers se présente comme une ville féodale, libre, avec ses propres institutions et une grande autonomie par rapport à son seigneur.
Les patriciens
Dans cette ville, plusieurs classes sociales coexistaient. Il y avait bien sûr la noblesse, mais à ses côtés, une classe importante formait ce que l’on appelle les patriciens. Les patriciens ne sont pas nobles. En fait, les nobles détiennent leur titre d’un fief ou bénéfice qu’ils ont reçu du seigneur pour service (militaire) rendu, terre qui a donc été détachée du domaine princier, royal ou impérial et est devenue héréditaire. Les patriciens sont également propriétaires de terres mais ils s’agit d’alleux (terres libres pour lesquelles il n’ont jamais payé de cens). Ils ne sont donc pas noble au sens strict du terme. Un troisième type de propriété existait pour ceux qui avaient des biens sur les terres des uns (nobles) ou des autres (patriciens) mais qui payaient un cens en contre-partie de la jouissance de leur bien.
Autre grande différence entre patriciens et nobles, c’est que leur qualité d’homme libre se transmet par les femmes et non par les hommes (comme la loi salique qui exclus les femmes de la succession à la couronne).
Par la suite, les différences entre ces deux classes vont s’estomper car les patriciens vont devenir possesseurs de fiefs et donc vont entrer dans la noblesse féodale. Certains vont également recevoir le titre de chevaliers de la part de leur seigneur.
A Bruxelles et à Louvain, on connaissait depuis longtemps dans chaque ville, 7 familles patriciennes qui avaient fait de l’échevinat leur pré carré, une sorte de charge héréditaire. Un généalogiste du XVIIème siècle a voulu en faire de même pour Anvers en désignant 7 familles patriciennes en charge de l’échevinat de la ville*.
L’échevinat
D’abord, qu’est-ce que cet échevinat ? L’échevinage (ou échevinat) de la ville était le pouvoir judiciaire et administratif de la commune. Jusqu’au XIIème siècle, les échevins de la ville d’Anvers étaient nommés par l’abbé de Saint-Michel, (première église paroissiale du bourg d’Anvers avant de devenir une abbaye) mais, petit à petit, durant le XIIIème siècle ce droit est passé aux mains du Duc de Brabant et les échevins ont été nommé exclusivement parmi les familles patriciennes de la ville (quoique un des seuls critères pour être échevin fût d’être bourgeois de la ville depuis un an et un jour).
Anvers a compté de 7 à 18 échevins (en 1556). Leur rôle était notamment de nommer tous les emplois salariés par la commune, définir les poids et mesures, impôts, droits de douane, édicter les règlements des métiers, fixer les règlements et amendes des tribunaux inférieurs.
Sept familles patriciennes ?
Une légende donc, définit sept familles patriciennes ou lignages pour Anvers: les familles Volkaerts, Wilmaers, de Hoboken, Bode, Aleyns, Pape et Impeghem. Cependant, une analyse plus approfondie des listes d’échevins d’Anvers permet d’ajouter d’autres noms: Van de Werve, Nose, Drake, Van Lier, Bornecolve, Van Ranst, van Berchem, Van Wyneghem, Van der Mole, Tuclant, Hildegarde, De Grutere, etc.
Qu’est ce qui relie les 7 premiers lignages ? Une simple petite caractéristique de leur blason: ils possédaient tous, dans leur blason, un échiquier (Schaak) d’où un surnom qu’ils ont reçu de la part du peuple d’Anvers: de seven schaken… (les sept échiquiers). Rien n’indique qu’il y ait eu d’autres prvilèges pour ces sept familles.
Donc les Wilmaers sont une riche famille patricienne d’Anvers.
Origine probable de la famille Wilmaers
Dans un acte datant de 1148 de l’abbaye Saint-Michel d’Anvers (rappelons que ce sont à ce moment les abbés de Saint-Michel qui désignent les échevins), nous trouvons parmi les bourgeois qui témoignent, Arnoldus Villicus, Walewinus, Raduardus Tempus Dei, Tibaldus Paddebuuc, Gerungus Louiart.
Nous retrouvons Tibaldus Paddebuuc, cité cette fois en tant qu’échevin d’Anvers, dans un document datant de 1160 au côté d’un Honolfus Paddebuuc (un frère ?)**.
Plus tard, nous trouvons dans une liste de 6 des 12 échevins d’Anvers, Wilmarus Paddebuc qu’on retrouvera dans des documents de 1196 et 1213 (lui-même ou un fils ?). C’est juste après que se produit le glissement étymologique dont nous avons parlé à propos de l’étymologie du nom Wilmaers, avec Gisbertus WILMARUS (fils de Wilmar), premier donc à porter le nom. Son fils, Jean Wilmaers de Roode, fut Chevalier de Jérusalem. Un de ses descendants, Nicolas Wilmaers est à nouveau renseigné comme échevin de Anvers en 1360.
Les Wilmaers ont possédé un fief en dehors de la ville: Wilmaersdonck.
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* CHRISTYN, septem tribus patriciae antwerpienses – 1689
** Petit détour par l’étymologie de Paddebuuc: du néerlandais paddebuiken, ventre de crapaud qui indiquerait quelqu’un vivant ou né près d’un marais.
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voir notamment
– Eugène GENS, Histoire de la Ville d’Anvers, Anvers, 1861
– F.H. MERTENS en K.L. TORFS, Geschiedenis van Antwerpen, Antwerpen, 1845
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